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Les investisseurs en actions doivent tenir compte de la situation globale

Les investisseurs se penchent sur les résultats peu réjouissants des entreprises, mais il est essentiel qu’ils se projettent au-delà des chiffres trimestriels pour évaluer la valeur à long terme, explique Giles Parkinson.

Dans leur dernier livre, intitulé Radical Uncertainty (Incertitude radicale), les économistes John Kay et Mervyn King soutiennent qu’en pleine crise, les décideurs seraient inspirés de prendre du recul et de se poser la question « que se passe-t-il actuellement ? » Cette question, sans doute pas aussi simple qu’il n’y parait, peut fournir des informations utiles sur la dynamique du moment, ainsi que sur les répercussions à plus long terme des tendances actuelles.

C’est un conseil particulièrement utile pour les investisseurs en actions au moment où les entreprises publient leurs résultats pour le deuxième trimestre 2020. Après des mois de tourmente, la confusion commence à se dissiper, exposant les dégâts provoqués par la chute de l’activité économique lié au confinement. Refinitiv, un fournisseur de données, estime que les résultats des entreprises composant l’indice S&P 500 ont chuté de 40% en moyenne au 2ème trimestre par rapport à la même période en 2019, ce qui représenterait la pire performance trimestrielle depuis fin 2008. Le tableau est encore plus sombre en Europe, où les prévisions font état d’une chute des résultats des entreprises de l’indice paneuropéen Stoxx 600 de pas moins de 60% entre avril et juin.

Les publications de résultats donnent un aperçu intéressant des performances des entreprises, même si certains indicateurs sont plus pertinents que d’autres. En prenant connaissance de ces résultats, les investisseurs doivent également s’assurer des conditions dans lesquelles ils ont été publiés. Dans l’environnement actuel, les investisseurs doivent accorder une attention particulière au levier d’exploitation des entreprises et à la situation de leur bilan, notamment lorsqu’il existe un risque que les clauses des contrats de dette soient déclenchées par une nouvelle baisse des chiffres d’affaires, obligeant les entreprises à lever des capitaux.

Parallèlement, il est important de ne pas se laisser distraire par les données à court terme, aussi mauvaises soient-elles. La clé de l’investissement durable consiste à replacer ces chiffres dans leur contexte et à tirer des conclusions pertinentes concernant des thèmes et des tendances plus larges.

Reprenons la question de John Kay et Mervyn King : « que se passe-t-il actuellement ? ». L’une des particularités de la crise actuelle est que certaines entreprises de qualité ont enregistré une forte baisse de leurs chiffres d’affaires en raison des mesures de confinement, et ce malgré des bilans sains et des modèles économiques durables. Pris isolément, les résultats trimestriels de ces entreprises sont susceptibles de donner une impression trompeuse de leurs perspectives.

Prenons l’exemple des fabricants d’équipements médicaux. Au plus fort de la pandémie, la plupart des hôpitaux ont reporté des interventions urgentes, telles que des arthroplasties de hanche ou de genou, pour privilégier la prise en charge des patients atteints du Covid-19, pénalisant ainsi lourdement le chiffre d’affaires des fabricants de prothèses. Johnson & Johnson, par exemple, a enregistré une baisse de 35% de ses bénéfices, en raison de la chute de 33% des ventes de sa division « Équipements médicaux ». Cette entité a avancé la chute du nombre d’interventions urgentes pour justifier ses pertes sur le trimestre.  Mais il ne fait aucun doute que cette activité va redémarrer lorsque la crise, due à la baisse de la demande en raison de besoins médicaux non satisfaits, se résorbera.

Dans le modèle de valorisation des flux de trésorerie actualisés, cela n’a guère d’importance qu’une entreprise touchée par la crise renoue avec son flux/rythme habituel de chiffre d’affaires sous 12 ou 36 mois, à partir du moment où elle réussit à se remettre en ordre de marche. Les investisseurs doivent donc être à l’affût des entreprises de qualité dont le cours des actions a chuté de manière excessive en raison de « ventes paniques », un événement transitoire ayant provoqué de mauvaises performances sur un seul trimestre.

Toutefois, si l’activité peut reprendre normalement dans certains secteurs, le coronavirus pourrait entraîner des changements profonds et durables dans d’autres. La pandémie pourrait précipiter des changements radicaux de comportement et les entreprises dont l’activité nécessite de regrouper des clients dans des endroits clos - comme les pubs, les restaurants, les cinémas et les salles de concert - font face à un avenir incertain. Dans ce contexte, on se fourvoie en se demandant si le chiffre d’affaires d’un exploitant a récemment chuté de 60 ou de 90% ; la bonne question à se poser est de savoir dans quelle mesure les gens auront envie, à terme, de se rendre dans ces endroits.

À l’inverse, les entreprises technologiques se renforcent de plus en plus, profitant de la demande accrue de communications vidéo, d’achats en ligne et de services de streaming pendant la pandémie. Microsoft et Ocado font partie des entreprises qui ont annoncé une forte augmentation de leur chiffre d’affaires au cours du deuxième trimestre.

Alors que les récessions classiques ont tendance à pénaliser la valeur de l’ensemble des entreprises, il s’avère que la crise actuelle a, au contraire, massivement créé de la valeur pour certaines entreprises technologiques : l’indice composite Nasdaq, axé sur le secteur des technologies, s’est ainsi distingué par une hausse de 15,5% entre le 1er janvier et le 24 juillet.  En revanche, l’indice S&P 500 s’est replié de 0,5% durant la même période.


Les nouveaux comportements vont-ils se muer en habitudes bien ancrées ?

L’appréciation des valeurs technologiques semble vouloir traduire une évolution durable de la demande, le télétravail et le commerce en ligne étant, dans le sillage de la crise du Covid-19, appelés à prendre une part encore plus importante dans nos vies. Cependant, toutes les entreprises technologiques ne pourront pas justifier une telle envolée de leurs cours. Les investisseurs doivent faire preuve de discernement pour être en mesure d’identifier de réels potentiels de création de valeur.  La question clé est de savoir dans quelle mesure les nouveaux comportements vont se muer en habitudes bien ancrées, et quelle part de la manne de nouveaux clients peut être conservée.

Il est souvent difficile de prendre du recul et de tenir compte de la situation globale en période de volatilité sur les marchés. Les psychologues ont prouvé que les biais comportementaux tels que la vision « court-termiste » et l’aversion aux pertes - un phénomène qui conduit les investisseurs à vendre plus facilement des actifs dont la valeur augmente que ceux dont la valeur diminue - sont des moteurs importants dans l’évolution des prix de marché dans des moments comme la période actuelle. Mais les investisseurs qui savent garder leur sang-froid et évaluer la réalité qui se cache derrière les chiffres peuvent toujours trouver des opportunités intéressantes.

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