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Impact de la crise turque

Un commentaire de Lale Akoner, stratège au sein du pôle consacré à la stratégie d’investissement de BNY Mellon IM

Les actifs turcs ont été soumis à de fortes pressions de vente depuis vendredi dernier.  La livre turque a atteint son plus bas niveau historique par rapport au dollar et a perdu 23% de sa valeur par rapport à l'USD (-41% par rapport à l’année dernière). Ce récent mouvement de vente  est probablement attribuable aux dernières tensions politiques avec les États-Unis suite aux derniers tweets du président Trump dans lesquels il a menacé de doubler les tarifs douaniers sur les importations d'acier et d'aluminium en provenance de Turquie

Les problèmes de la Turquie s'aggravent depuis plusieurs années déjà. La Turquie est l'un des marchés émergents les plus " vulnérables " depuis 2013, en raison de problèmes fondamentaux de son économie : déséquilibres macroéconomiques, incertitude politique, incapacité de la banque centrale à mettre en place des hausses de taux (à la lumière de l'inflation élevée) associée à sa perte d'indépendance et une politique généralement plus hétérodoxe. À l'avenir, l'inflation en Turquie devrait encore augmenter et entraîner l'économie dans une récession accompagnée d'une éventuelle crise bancaire.  Une grande partie des préoccupations des marchés porte sur les banques turques, qui ont de plus en plus recours aux marchés bancaires étrangers pour financer leurs activités de prêt : environ un tiers des prêts bancaires sont en devises étrangères, principalement accordés aux entreprises turques.


Effet sur les marchés émergents

Bien que la faiblesse de la Turquie serait un revers subi par la classe d'actifs « marchés émergents » en général, les répercussions économiques plus larges par rapport à d'autres économies émergentes seront probablement limitées. De manière générale, ces pays qui partageaient les mêmes vulnérabilités de la Turquie, les fameux "Cinq fragiles" - le Brésil, l'Inde, l'Indonésie et l'Afrique du Sud - avaient tous d'importants déficits du compte courant, et ont même subi les plus fortes baisses de devises pendant cette période, ont amélioré leurs fondamentaux depuis le « Taper Tantrum » (mouvement brutal de remontée des rendements obligataires connu en mai 2013). À notre avis, la Turquie est donc l'exception plutôt que la règle, et ne représente aucunement tout l’univers émergent, qui demeure complexe. Néanmoins, ce qui est en grande partie un risque isolé par rapport à la Turquie a alimenté le sentiment négatif à l'égard des marchés émergents dans leur ensemble.

Cela ravive l'inquiétude essentielle des investisseurs à l'égard des marchés émergents : l'assèchement global de la liquidité via le resserrement des banques centrales du G-4.  Cela pourrait rendre les conditions financières plus difficiles pour les économies émergentes.  À ces craintes sous-jacentes s'ajouteraient les préoccupations entourant les guerres commerciales opposant les États-Unis à la Chine, à savoir qu'est-ce que tout cela nous apprend sur la politique commerciale globale de Trump lorsque les États-Unis en viennent à imposer des tarifs douaniers à un allié de l'OTAN ?


Effet sur les marchés développés

Même s'il existe un certain risque de contagion envers les banques étrangères et notamment européennes, il n'y aura pas d'impact direct très important. Au contraire, ce dernier épisode turc alimente le sentiment négatif général entourant les banques italiennes et l'incertitude politique, ainsi que le récent ralentissement économique en Europe.  

Les inquiétudes concernant la Turquie ont eu des répercussions négatives sur les marchés mondiaux au cours des derniers jours, mais ces préoccupations se sont intensifiées, notamment le 10 août, ce qui a stimulé la demande pour les valeurs dites refuges et les obligations d'État de grande qualité. En effet, l'euro a atteint son plus bas niveau contre le dollar depuis juillet 2017. Les actions européennes ont baissé et les valeurs bancaires ont été les plus durement frappées.

L'exposition dominante à la Turquie via le canal des prêts bancaires se situe en Europe. Par pays, l'exposition des banques espagnoles à la Turquie représente environ 6% du PIB espagnol, ce qui s'explique en grande partie par la participation de BBVA dans la 2ème banque privée turque.  L'exposition de l'Italie et de la France est faible, et celle du Royaume-Uni et des États-Unis est négligeable. L'exposition à la Turquie via le commerce est également assez faible et se concentre principalement parmi ses pays voisins en Europe de l'Est.

Le risque pour le secteur bancaire européen semble être concentré dans quelques banques seulement : BBVA, UniCredit et BNP Paribas. Parmi ces 3 prêteurs, BBVA de l'Espagne (14% des prêts exposés à la Turquie) et l'UniCredit SPA de l'Italie (4% des prêts exposés à la Turquie) sont les plus exposés au risque en raison de leur niveau d’exposition au pays.  Un autre point important à noter est que BBVA et UniCredit se trouvent en Europe périphérique, ce qui recrée potentiellement une passerelle entre la dette souveraine et les banques.

Les problèmes auxquels la Turquie est confrontée ne seront pas résolus de sitôt. Bien que l'impact économique direct de cette crise soit limité, il s’ajoute aux risques croissants entourant les émergents, tels que la croissance chinoise, les incertitudes commerciales et le resserrement de la liquidité autour du monde. 

www.bnymellonim.com/fr/

 

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